Je souhaitais depuis longtemps aborder une création permettant de mettre au service du théâtre et du théâtre d’abord, des disciplines artistiques complémentaires : trampoline, acrobatie aérienne sur tissus, marionnettes, chant polyphonique. Cette recherche autour du mythe d’Icare m’en a donné l’occasion. Le point de départ du projet ne reposait pas sur un texte mais sur l’écriture d’une langue de plateau conjuguant ces différentes disciplines.

Dans l’histoire d’Icare, il y a deux temps : celui du vol d’abord avec l’ivresse du ciel et la liberté retrouvée puis le second temps, tragique et moralisateur de la chute. Force est de constater que c’est la chute elle-même qui prédominera et émaillera ainsi toutes les œuvres de l’époque classique (tragédies, récits historiques, réflexions philosophiques).

Le sens de cette morale simpliste et populaire (reprise d’ailleurs par la religion chrétienne) semble se résumer ainsi : mieux vaut encore pour l’homme être un terrien réussi plutôt qu’un oiseau raté. Ou encore : quiconque veut s’élever trop haut retombera très bas. Autrement dit, la place de l’homme est dans le domaine propre à l’homme à savoir la surface de la terre, non sous la terre (domaine des morts) ni dans le ciel (domaine des Dieux).

On pourrait considérer l’aventure d’Icare simple voire classée mais ce serait, non seulement oublier le vol lui-même, mais surtout le fait qu’après la disparition du monde antique, ce mythe n’a cessé de faire des émules. Pourquoi des dizaines, des centaines d’hommes et de femmes n’ont-ils cessé de l’imiter malgré l’exemple désastreux de la chute ?

Le mythe doit sûrement contenir autre chose qu’une simple histoire d’orgueil et de cire fondue. Le thème de ce spectacle n’est pas tant le mythe lui-même que les traces gravées en nous depuis l’antiquité dont cette trainée d’étoiles qu’il a laissée en moi. Défier l’ordre établi. Désobéir aux emblématiques figures paternelles et spirituelles. Réinventer la vie. Devenir un homme. Libre.